Amortissement des logements locatifs : un projet en quête de crédibilité
Contexte
Le projet de loi de finances pour 2026 a suscité l'attention du secteur immobilier français avec une proposition ambitieuse : permettre aux bailleurs privés d'amortir leurs logements loués nus. Cette mesure, si elle voyait le jour, représenterait un bouleversement majeur de la fiscalité immobilière en France.
Actuellement, l'amortissement des biens immobiliers locatifs est principalement réservé aux locations meublées (LMNP/LMP) et aux sociétés commerciales. Les bailleurs personnes physiques qui louent des logements nus ne peuvent pas déduire l'usure de leur bien de leurs revenus fonciers, contrairement à leurs homologues qui louent en meublé.
Cette asymétrie fiscale a longtemps été critiquée par les professionnels du secteur, qui y voient une incitation déséquilibrée favorisant la location meublée au détriment de la location nue, pourtant majoritaire dans le parc locatif français.
Le mécanisme proposé
Principe de l'amortissement
L'amortissement immobilier consiste à déduire fiscalement la dépréciation théorique d'un bien sur sa durée de vie. Concrètement, un investisseur pourrait déduire chaque année une fraction de la valeur de son bien de ses revenus fonciers.
Exemple simplifié :
- Acquisition d'un logement : 300 000 €
- Durée d'amortissement : 30 ans
- Amortissement annuel : 10 000 € (300 000 / 30)
- Impact fiscal : réduction significative du revenu imposable
Modalités envisagées
La réforme proposerait :
- Un amortissement linéaire sur 25 à 30 ans
- Application aux acquisitions neuves et anciennes
- Déduction limitée au montant des revenus fonciers (déficit non reportable)
- Possible plafonnement global des avantages fiscaux
Les raisons du discrédit
1. Un coût budgétaire considérable
L'une des principales critiques porte sur l'impact financier pour l'État. Les estimations parlent de plusieurs milliards d'euros de manque à gagner fiscal annuel. Dans un contexte de réduction des déficits publics, cette mesure semble difficilement tenable.
Chiffres clés :
- Environ 3,5 millions de bailleurs personnes physiques en France
- Parc locatif privé : 7 millions de logements
- Perte fiscale estimée : 3 à 5 milliards € par an
2. Des bénéficiaires principalement aisés
Les opposants soulignent que cette mesure profiterait essentiellement aux ménages disposant déjà d'un patrimoine immobilier conséquent. Les petits propriétaires, souvent peu ou pas imposés sur leurs revenus fonciers, n'en tireraient qu'un faible avantage.
L'effet redistributif serait donc limité, voire contre-productif du point de vue de la justice fiscale.
3. Un impact incertain sur l'offre locative
Si l'objectif affiché est de stimuler l'investissement locatif et d'augmenter l'offre de logements, rien ne garantit que cette mesure produira les effets escomptés.
Questions en suspens :
- Les investisseurs profiteront-ils de l'avantage fiscal sans créer de nouveaux logements ?
- Le dispositif encouragera-t-il les propriétaires actuels à vendre plutôt qu'à louer ?
- L'impact sur les loyers sera-t-il neutre ou inflationniste ?
4. Une complexité administrative supplémentaire
L'introduction de l'amortissement pour les particuliers nécessiterait :
- Une comptabilité plus rigoureuse
- Un suivi sur plusieurs décennies
- Une harmonisation avec les autres régimes fiscaux (IFI, plus-values, etc.)
- Des contrôles fiscaux renforcés
Cette complexité pourrait rebuter les petits bailleurs et générer des coûts de gestion importants pour l'administration fiscale.
5. Des précédents peu encourageants
Des dispositifs fiscaux passés (Scellier, Pinel, Duflot) ont montré leurs limites :
- Coûts élevés pour les finances publiques
- Effets d'aubaine importants
- Impact limité sur la crise du logement
- Distorsions du marché immobilier
Les économistes restent donc sceptiques quant à l'efficacité d'un nouvel avantage fiscal de cette ampleur.
Impacts pour les bailleurs
Scénario optimiste : adoption de la réforme
Avantages potentiels :
- Réduction significative de l'imposition des revenus fonciers
- Amélioration de la rentabilité nette des investissements locatifs
- Incitation à conserver et entretenir les biens locatifs
- Alignement avec le régime des locations meublées
Exemple chiffré : Un investisseur avec 20 000 € de revenus fonciers annuels et un amortissement de 10 000 € pourrait voir son revenu imposable réduit de moitié, générant une économie d'impôt de plusieurs milliers d'euros par an.
Scénario pessimiste : rejet ou édulcoration
Conséquences :
- Maintien du statu quo défavorable à la location nue
- Poursuite de la conversion vers la location meublée
- Pression à la vente pour les petits propriétaires
- Tension accrue sur le marché locatif
Points de vigilance
Même en cas d'adoption, plusieurs écueils guettent :
-
Recapture d'amortissement : l'amortissement déduit pourrait être réintégré lors de la revente, diminuant l'intérêt du dispositif.
-
Plafonnement global des niches fiscales : les 10 000 € de plafond pourraient limiter l'avantage pour les gros patrimoines.
-
Changement de doctrine : un futur gouvernement pourrait modifier ou supprimer le dispositif, créant une insécurité juridique.
Verdict et conseils
Un projet politiquement fragile
Au vu des éléments analysés, la probabilité d'adoption de cette réforme dans sa forme actuelle apparaît faible. Les contraintes budgétaires, les critiques sur l'équité et les doutes sur l'efficacité pèsent lourd dans la balance.
Il est plus probable que :
- La mesure soit abandonnée
- Ou qu'elle soit considérablement réduite (amortissement partiel, durée limitée, plafonds stricts)
- Ou qu'elle soit réservée à certaines zones tendues ou à des logements répondant à des critères spécifiques (performance énergétique, par exemple)
Recommandations pour les bailleurs et investisseurs
À court terme :
- Ne pas fonder vos décisions d'investissement sur cette hypothétique réforme
- Continuer à optimiser votre situation fiscale avec les outils existants (déduction des charges, travaux, intérêts d'emprunt)
- Rester informé de l'évolution du projet lors des débats parlementaires
À moyen terme :
- Consulter un conseiller fiscal ou patrimonial pour anticiper les différents scénarios
- Diversifier vos investissements locatifs (meublé/nu, résidentiel/commercial)
- Préparer votre comptabilité au cas où le dispositif serait adopté (valorisation du bien, date d'acquisition, etc.)
À long terme :
- Adopter une stratégie patrimoniale flexible capable de s'adapter aux évolutions fiscales
- Privilégier la qualité et la rentabilité intrinsèque de vos investissements plutôt que les seuls avantages fiscaux
- Surveiller les nouveaux dispositifs qui pourraient émerger (transition énergétique, logement social, etc.)
Conclusion
L'amortissement des logements locatifs nus reste, à ce stade, un projet séduisant sur le papier mais peu crédible dans les faits. Entre contraintes budgétaires, critiques sur l'équité et incertitudes sur l'efficacité, les obstacles sont nombreux.
Pour les bailleurs et investisseurs, la prudence s'impose. Plutôt que de parier sur une réforme hypothétique, il convient de se concentrer sur :
- Une gestion rigoureuse de votre patrimoine existant
- Une optimisation fiscale avec les outils actuels
- Une diversification de vos investissements
- Un accompagnement professionnel adapté à votre situation
Call to Action
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Ne laissez pas les incertitudes fiscales paralyser votre stratégie patrimoniale. Consultez un conseiller fiscal spécialisé pour :
- Analyser votre situation actuelle
- Optimiser votre fiscalité avec les dispositifs existants
- Préparer différents scénarios d'évolution
- Anticiper l'impact de cette réforme si elle devait voir le jour
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- Location meublée vs location nue : quel régime choisir ?
- Optimiser ses revenus fonciers : les meilleures stratégies
Sources :
- Capital.fr - "Amortissement des logements locatifs : une fausse bonne idée ?"
- La Tribune - "Fiscalité immobilière : les enjeux de la réforme 2026"
- Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP)
- Union Nationale de la Propriété Immobilière (UNPI)
Article publié le 28 octobre 2025 - Dernière mise à jour : 28 octobre 2025
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